Le féminisme, ce combat multiséculaire pour l’égalité et la justice, est un mouvement en constante évolution. Pourtant, malgré son essence profondément collective, il est traversé par des lignes de fracture qui, parfois, fragilisent sa force. L’un des clivages les plus marquants aujourd’hui est celui qui oppose un féminisme intersectionnel à un féminisme dit "universaliste", qui tend à invisibiliser certaines expériences de domination au profit d’une vision homogène et excluante.
Dans cet article, nous allons analyser ce dilemme à travers un échange récent avec une militante, que nous appellerons Y, qui remet en question la légitimité de certaines revendications féministes actuelles. Un échange qui illustre bien les tensions internes à notre mouvement, mais qui pose aussi une question essentielle : comment être alliées malgré nos différences ?
Quand une critique en dit long : l’affaire Y.
Il y a quelques jours, nous avons reçu un message de Y, se déclarant choquée par une affiche relayée dans notre newsletter.
Son indignation ne portait pas sur l’ensemble du message mais sur un passage précis : "Brûlons les TERFs".
Pour elle, cet appel, bien qu’issu d’une symbolique militante forte, constituait une menace contre certaines féministes.
Dans son premier message, Y défendait une vision du féminisme qui refuse toute remise en question de la centralité des femmes cisgenres dans la lutte.
Une position qui, sans le dire explicitement, reléguait les questions de transidentité et d’intersectionnalité à des thématiques annexes.
Notre réponse a été claire : le féminisme ne peut être un espace d’exclusion.
Nous avons rappelé que la transphobie est un délit en France et qu’il était essentiel de comprendre que la lutte contre les violences faites aux femmes ne peut être dissociée de celles vécues par les minorités de genre.
Nous avons aussi interrogé Y sur l’ambiguïté de sa réaction : pourquoi être choquée par une attaque symbolique contre les TERFs, mais pas par la même phrase visant "les riches et les fachos" ?
Sa réponse fut à la fois plus nuancée et révélatrice.
Elle affirmait ne jamais soutenir d’appel à la violence, tout en continuant à défendre une séparation stricte entre féminisme et lutte contre la transphobie. Une contradiction révélatrice du malaise qui persiste dans certains cercles féministes, où l’égalité semble toujours devoir être pensée à échelle variable.
Le féminisme est un espace commun, mais c’est aussi une maison où cohabitent des visions différentes. Comme dans toute famille, il peut y avoir des disputes, des incompréhensions, voire des affrontements.
Mais ce qui fait la force d’un mouvement, c’est sa capacité à dépasser ces divergences pour avancer ensemble.
Chez P’tite Lumière & Cie, nous avons fait le choix d’un féminisme radicalement inclusif.
Nous croyons que le linge sale se lave en famille : les débats internes doivent avoir lieu, les désaccords doivent être exprimés, mais une fois sur la place publique, nous devons faire front commun.
Car c’est l’unité qui vaincra le patriarcat, pas la division.
Dans ce cadre, nous refusons toute complaisance avec les fausses féministes qui instrumentalisent la lutte pour la détourner de son objectif premier : l’émancipation de toutes.
Des groupes comme Némésis, qui prétendent défendre les femmes tout en reprenant les éléments de langage des mouvements réactionnaires, ne trouveront jamais d’écho dans nos espaces.
Le féminisme est partout : une lutte mondiale et incarnée
L’histoire du féminisme est trop souvent racontée du seul point de vue occidental, alors qu’il a toujours été pluriel et international.
Des figures Occidentales, Africaines, d'Amérique du Sud ou d’Asie ont porté et portent encore des combats qui croisent genre, race, classe et orientation sexuelle.
Cette richesse doit être au cœur de notre militantisme.
En tant que femme noire, engagée dans les luttes féministes et antiracistes, notre fondatrice a expérimenté ces tensions internes.
La misogynoir (cette forme spécifique de misogynie qui vise les femmes noires) est un exemple frappant de la manière dont certaines oppressions s’entrelacent et ne peuvent être pensées séparément.
Ce qui me permet de tenir bon, c’est cette certitude : nous sommes plus fortes ensemble.
Au sein de notre association, nous incarnons cette vision du féminisme en agissant sur le terrain.
- Les Nuits Guêpiennes : un festival qui met en avant des artistes femmes et minorisées, dans une programmation où la parité et la diversité sont au cœur des choix.
- Les Récréatives : des événements qui mêlent arts, culture et débats féministes pour sensibiliser à toutes les formes de discriminations.
- La Ruche Créative : un futur espace ressource en milieu rural dédié aux femmes, où se mêleront création, transmission et entraide.
Ces initiatives montrent qu’un féminisme inclusif n’est pas qu’une posture idéologique : c’est une réalité vécue, incarnée et partagée.
L’unité dans la diversité, ou rien
Alors que certains voudraient faire croire que les féministes sont trop divisées pour être efficaces, nous affirmons au contraire que nos divergences sont une richesse.
Mais cette diversité ne doit jamais servir de prétexte à l’exclusion ou au rejet des plus vulnérables.
Nous pouvons être en désaccord sur certaines stratégies, certaines revendications.
Mais nous devons toujours nous rappeler que notre ennemi commun, c’est le patriarcat.
Ce n’est pas la personne à nos côtés qui se bat aussi, à sa manière, pour la justice et l’égalité.
Être femme ou ne pas être ? Être féministe et exclure certaines femmes ? Ce n’est tout simplement pas une option.